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26 octobre 2008

Les unité bretonnes dans la Notitia

LES UNITES "BRETONNES" DANS LA NOTITIA DIGNITATUM
Synthèse de Benjamin Franckaert

Avant-propos
Les noms ethniques de la Notitia Dignitatum (document de la fin du IVe siècle/début du Ve) permettent d'identifier une partie des unités comme étant d'origine bretonne ou gaélique, il en reste que pour beaucoup d'autres nous n'avons pas d'idée du recrutement d'origine.
La synthèse qui suit a pour but de répertorier ces différentes unités, celles explicitement bretonnes, mais aussi d'autres qui ont pu être composées de Bretons.

Les Bretons des franges occidentales de l'île, les plus faiblement romanisés, constituaient probablement d'excellentes recrues, fières de leur appartenance à l'empire mais toujours forts de leur vertu guerrière. Rome toléra d'ailleurs - les encourageant même peut être - les royautés locales du futur Pays de Galles ou des Dumnonii à rester armées pour assurer leurs défenses contre les barbares irlandais.
Immédiatement au nord du mur d'Hadrien, on trouvait plusieurs tribus bretonnes alliées à l'empire. Si la région entre les murs d'Hadrien et d'Antonin n'était officiellement plus sous contrôle romain, les territoires des Damnonii, Selgovae, Votadini et autres étaient probablement à certaines époques des royaumes clients de Rome, états tampons contre les incursions des Pictes. L'état major romain pouvait y recruter ses exploratores ou éclaireurs.
Enfin, de nombreux Gaéls s'installèrent dans l'antiquité tardive en Britannia. S'ils étaient souvent hostiles, certaines de leurs dynasties comme celle des rois du Dyfed devinrent des alliés de Rome.
A ces recrues potentielles, on doit ajouter les citoyens de la Bretagne romaine, bien sur eux aussi susceptibles d'être enrôlés.

I - Les troupes bretonnes dans le diocèse des Bretagnes

Une bonne partie des troupes stationnées en Bretagne insulaire, même si provenant d'autres régions de l'empire, ont du voir leurs rangs composés de Bretons à un moment ou à un autre de leur histoire. Ces troupes furent successivement retirées de l'île par Maximus Magnus, Stilicho et Constantin III, même si une petite partie d'entre elles restèrent peut-être en arrière après 407. La Notitia Dignitatum, nous donne l'état de ces forces vers 400, soit après l'usurpation de Maxime et avant celle de Constantin III, et probablement avant que Stilicho ramène plusieurs de ces légions sur le continent, mais les difficultés du document ne permettant pas de déterminer lesquelles avec précision.
On trouve trois commandements en Britannia, à savoir deux comtes et un duc.
A noter qu'on connaît mal les troupes assignées à la défense du littoral occidental, et leur commandement, même si les fortifications (comme Caerwent ou Caernarfon) sont bien existantes.

1) Comes Britanniarum
Le Comes Britanniarum commandait aux Comitatenses, l'armée mobile.
Pour mémoire, on retrouve sous ses ordres :
    Victores iuniores Britanniciani
    Primani iuniores
    Secundani iuniores
    Equites catafractarii iuniores
    Equites scutarii Aureliaci
    Equites Honoriani seniores
    Equites stablesiani
    Equites Syri
    Equites Taifali

Au moins deux de ces unités peuvent être identifiés comme à recrutement breton :

Victores iuniores Britanniciani
Parfois identifiés comme les Victores iuniores que l'on retrouve en Espagne.

Image
Secundani iuniores
L'hypothèse la plus populaire voudrait qu'il s'agisse de la Secunda Britannica que l'on retrouve sous les ordres du Magister equitum per Gallias.
On en reparlera plus loin.

2) Comes litoris Saxonici per Britanniam
Un autre comte (?) avait la charge des troupes stationnées dans la série de forts assurant la défense du litus saxonicum.

On retrouve sous son commandement des troupes de limitanei :
Praepositus numeri Fortensium
Praepositus militum Tungrecanorum
Praepositus numeri Turnacensium
Praepositus equitum Dalmatarum Branodunensium
Praepositus equitum stablesianorum Gariannonensium
Tribunus cohortis primae Baetasiorum
Praefectus legionis secundae Augustae
Praepositus numeri Abulcorum
Praepositus numeri exploratorum

Certaines de ses unités sont peut être les mêmes que mentionnés sous le commandement du Comes Britanniarum, à savoir la Secunda Augusta stationnée à Rutupiae/Richborough dans le Kent. Elle est connue dès le haut empire comme Legio II Augusta Britannica et aurait donné naissance à plusieurs unités au bas empire.

Les exploratores en qualité d'éclaireurs seraient plutôt des indigènes.

Les Abulci stationnés à Anderita/Pevensey portent un nom d'origine brittonique, dérivé de *bulc, brèche, ou entaille, que l'on retrouve d'ailleurs dans le nom de l'épée mythique d'Arthur, Caledfwlch en Gallois, "dure entaille". On les retrouve aussi sur le continent, Anderita étant probablement leur centre de recrutement.

3) Dux Britanniarum
Le dux commandait aux unités limitanei stationnées dans le nord de la Bretagne, notamment sur le mur d'Hadrien. Certaines unités sont là encore peut être les mêmes que d'autres sous les ordres des deux comes, ce n'est pas clair.

Les préfectures :
    Praefectus legionis sextae
    Praefectus equitum Dalmatarum
    Praefectus equitum Crispianorum
    Praefectus equitum catafractariorum
    Praefectus numeri barcariorum Tigrisiensium
    Praefectus numeri Nerviorum Dictensium
    Praefectus numeri vigilum
    Praefectus numeri exploratorum
    Praefectus numeri directorum

    Praefectus numeri defensorum
    Praefectus numeri Solensium
    Praefectus numeri Pacensium
    Praefectus numeri Longovicanorum
    Praefectus numeri supervenientium Petueriensium

Les tribuns et préfets du mur :
    Tribunus cohortis quartae Lingonum
    Tribunus cohortis primae Cornoviorum
    Praefectus alae primae Asturum
    Tribunus cohortis primae Frixagorum
    Praefectus alae Sabinianae
    Praefectus alae secundae Asturum
    Tribunus cohortis primae Batavorum
    Tribunus cohortis primae Tungrorum
    Tribunus cohortis quartae Gallorum
    Tribunus cohortis primae Asturum
    Tribunus cohortis secundae Dalmatarum
    Tribunus cohortis primae Aeliae Dacorum
    Praefectus alae Petrianae
    Praefectus numeri Maurorum Aurelianorum
    Tribunus cohortis secundae Lingonum
    Tribunus cohortis primae Hispanorum
    Tribunus cohortis secundae Thracum
    Tribunus cohortis primae Aeliae classicae
    Tribunus cohortis primae Morinorum
    Tribunus cohortis tertiae Nerviorum
    Cuneus Sarmatarum (no officer listed)
    Praefectus alae primae Herculeae
    Tribunus cohortis sextae Nerviorum

Les exploratores, directores, vigiles sont des unités d'éclaireurs, et donc très probablement à recrutement indigène : peut-être des hommes provenant des tribus bretonnes alliées à Rome comme les Votadini.
Les Superventores Petuarienses proviennent du fort de Petuaria, défendant l'estuaire de l'Humber. Il s'agît peut-être de troupes de marine chargés de repousser les raids des pirates pictes et germaniques et de surveiller la côte du Yorkshire actuel.

La Cohors Prima Cornoviorum était recrutée chez les Cornovii de la région de Wroxeter/Viroconium, centre de pouvoir d'ailleurs très important à la période sub-romaine, capitale du royaume du Powys ou de Pengwern.

II - Les troupes bretonnes sur le continent

Des unités à recrutement insulaire étaient naturellement affectées ailleurs dans l'empire, et suite à l'usurpation de Maxime les soldats qui débarquèrent avec lui en 383 ne revinrent jamais dans l'île. Des problèmes dans les révisions de la Notitia font qu'on rencontre certaines unités à la fois en Bretagne et sur le continent.

1) Dux tractus Armoricani et Nervicani
La tradition veut que les Bretons de l'armée de Maxime furent installés dans le nord de la Gaule. Ils y auraient renforcé le dispositif de défense du tractus armoricanus. Cependant, mis à part peut-être les Superventores de Nantes si l'on les considère comme liés aux Superventores Petuarienses que l'on a rencontré en Bretagne, aucune des unités ne peut être déterminée comme bretonne. Certes, il est fort possible que des Bretons aient été recrutés par la suite au sein de ces unités après leur installation en Armorique. Les unités armoricaines, des limitanei en charge de la défense des côtes gauloises contre les pirates germaniques et irlandais, semblent avoir été retirées de leurs garnisons et promues au statut de pseudocomitatenses, rejoignant l'armée de manœuvre. On peut supposer que des Bretons reprirent leurs postes, comme l'indique l'occupation continue de forts du tractus comme Alet ou le Coz-Yaudet, du IVe au VIe siècle.
On retrouve aussi des colonies à l'intérieur des terres attribuables à des lètes germaniques mais aussi probablement aux Bretons pour la civitas des Ossismes, dès la fin du IIIe siècle. Ces établissements ne sont pas répertories dans la Notitia Dignitatum. Ils permettaient probablement de compléter le système de défense du tractus armoricanus, et de réserves de recrutement.

On citera pour mémoire les troupes du dux du tractus armoricain :

Tribunus cohortis primae novae Armoricanae
Praefectus militum Carronensium
Praefectus militum Maurorum Benetorum
Praefectus militum Maurorum Osismiacorum
Praefectus militum superventorum
Praefectus militum Martensium
Praefectus militum primae Flaviae
Praefectus militum Ursariensium
Praefectus militum Dalmatarum
Praefectus militum Grannonensium

2) Magister equitum per Gallias
Comme évoqué précédemment on retrouve sous ses ordres les unités du tractus armoricanus. Il commande à des unités de cavalerie et d'infanterie.
Voici les troupes identifiables comme bretonnes.

Image
Britones - Auxilia Palatina
Le nom ethnique est évident.

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Atecotti Honoriani seniores - Auxilia Palatina
Les Atecotti ne sont pas "bretons" à proprement parler, mais probablement irlandais. Léon Fleuriot les faisait venir du nord de la Bretagne, et explique leur nom par un celtique *Ate (préfixe d'intensité) et *Cot, en breton coz, dans le sens de "vieux", "ancien" ; ce qui donne les "très anciens".
Les théories plus récentes en font des Irlandais, et explique leur nom par une latinisation d'un gaélique Aitheachtuatha, "tribu payant tribut". Le sens de ce terme est proche de celui de Deisi, "vassaux", qui désignent des tribus soumises et considérées comme inférieures par les autres Gaéls. Des Deisi, expulsés d'Irlande, s'installèrent ainsi dans le sud du Pays de Galles et s'allièrent par la suite aux Romains de Maximus Magnus.
C'est probablement un phénomène similaire qui poussa les Atecotti à la piraterie, chassés suite aux événements politiques irlandais. On les retrouve impliqués dans la série d'attaques contre la Bretagne, aux côtés des Pictes et des autres Scotti.
Il s'agit donc plutôt d'un terme générique désignant un certain type de tribu plutôt qu'une tribu en particulier, et certains d'entre eux étaient peut-être installés en Britannia, dont les Deisi du Dyfed.
Il peut s'agir de prisonniers de guerre ou deditices, mais aussi de barbares ayant cherché emploi auprès de Rome. La tradition irlandaise parle ainsi de l'une des versions de la mort du haut-roi Niall Noigiallach, tué dans les Alpes en combattant pour les Romains, après avoir passé de longues années à se battre contre eux en Britannia.

On retrouve des Scotti, ou Irlandais, dans les écrits de Saint-Jérôme qui les aurait rencontré aux abords de Trèves, au IVe siècle, et leur prête une réputation de sauvagerie et même de cannibalisme. Il s'agit peut être d'une des unités d'Atecotti :

Que vous dirai-je des autres nations, puisque moi-même, étant encore jeune, j’ai vu des Scotti dans la Gaule, qui, pouvant se nourrir de porcs et d’autres animaux dans les forêts, aimaient mieux couper les fesses des jeunes garçons, et les tétons des jeunes filles! C’étaient pour eux les mets les plus friands.
Saint-Jérôme, Lettres.

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Atecotti iuniores Gallicani - Auxilia Palatina
Ces Atecotti sont dits Gallicani, peut-être parce que issus d'une communauté installée en Gaule ?

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Secundani Britones ou Secunda Britannica - Legio Comitatenses
Détaillons maintenant un peu l'historique de la Secunda Britannica que nous avons déjà rencontré en Bretagne. Elle semble issue de la fragmentation de la Legio II Augusta Britannica que l'on retrouve à Brittenheim ou Bretzenheim, villa Britannica près de Mayence au haut empire.
Elle était notamment basée à Rutupis (Richborough) sur le litus saxonicum, et il est intéressant de noter que l'usurpateur Maxime est qualifié par Orose de Rutupinus latro.
A noter que la vie de saint Dalmas mentionne une Legio Britannica vers 533 dans la région d'Orléans, peut être une survivance de cette unité d'après Léon Fleuriot.

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Praesidienses - Legio Comitatenses
Unité probablement nommée d'après le fort de Praesidium dans le nord de la Bretagne insulaire, passée sur le continent avec Maxime ou Stilicho.

Anderetiani - Legio Pseudocomitatenses
Leur nom évoque irrésistiblement celui du fort d'Anderita/Pevensey sur littoral saxon, peut être y était ils recrutés à l'instar des Abulci, mais il peut aussi être expliqué selon Léon Fleuriot par un préfixe intensif *ante- et un radical *ret, "course", ce seraient donc les "super-coureurs".
Ils auraient servi le Dux Mogontiacensis (en Germanie) avant de rejoindre l'armée de campagne.
On retrouve également une classis Anderetianorum sur la Seine, et on connaît entre autres par Végèce la valeur des marins bretons dans la flotte romaine.

Abulci - Legio Pseudocomitatenses
On a déjà rencontré le numerus Abulcorum à Anderita/Pevensey sur le litus saxonicum et leur centre de recrutement, et par ailleurs expliqué leur nom, bien brittonique.

A noter que les Exploratores et les Defensores seniores sont aussi pour certains des troupes venus de Bretagne (entre autres).

3) Comes Hispenias
Des différentes unités sous les ordres du Magister Peditum, on retrouve sous le commandement du comes Hispenias :

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Invicti iuniores Britones - Auxilia Palatina

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Exculcatores iuniores Britanniciani - Auxilia Palatina
Ces derniers sont mentionnés seulement comme Exculcatores iuniores pour l'Ibérie mais on peut penser qu'il s'agit de la même unité.

4) Comes Illyricum & Magister Militum per Illyricum
L'Illyrie vu en 388 la défaite de Maximus Magnus contre Théodose, empereur d'Orient, et certaines des troupes de l'usurpateur semblent avoir été affectées dans la province dès lors.

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Seguntienses - Auxilia Palatina
Cette unité formait vraisemblablement le fer de lance de l'armée de Maxime. Ils venaient sans doute du fort de Segontium, actuellement Caernarvon dans le nord du Pays de Galles. La tradition brittonique fait partir l'armée de Maxime, ou plutôt Macsen Wledig tel qu'il est désigné chez les Gallois, de cette région.

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Latini - Auxilia Palatina
Soazick Kerneis évoque à leur sujet une possible corruption du nom des Liathain, Deisi irlandais installés dans le Dyfed et alliés de Maxime. Il s'agît donc peut-être d'insulaires, aucune certitude à leur sujet.

Sous les ordres du Magister Militum per Illyricum dans la Pars Orientem on retrouve :

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Britones seniores - Legio Palatina
Leur nom mentionne explicitement leur origine.

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Atecotti - Auxilia Palatina
Leur nom et origine ont été explicités ci-dessus.

4) Magister Peditum per Italia
On retrouve en Italie :

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Atecotti Honoriani iuniores - Auxilia Palatina
Leur nom et origine a été expliquée précédemment.

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Sabini - Auxilia Palatina
Selon Soazick Kerneis, peut être une corruption d'un original Sabrini, désignant des Bretons du bord de la Severn.

III - Les Bretons dans la Pars Orientem

On retrouve plusieurs unités bretonnes en Orient. Il est possible que certaines d'entre elles soient d'anciennes troupes de Maxime, envoyées au loin suite à leur soutien envers l'usurpateur.

Ala quarta Britonum
Mentionnés sous le commandement du Dux Thebaidos en Egypte.

Les unités stationnées en Illyrie ont déjà été mentionnées.

SOURCES :

http://www.ne.jp/asahi/luke/ueda-sarson ... terns.html

Les Origines de la Bretagne, Léon Fleuriot.
Les Celtiques: servitude et grandeur des auxiliaires bretons sous l'Empire Romain, Soazick Kerneis (voir la fiche de lecture :

viewtopic.php?f=39&t=167



Benjamin Franckaert

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